Né à Montréal, Antoine Ertaskiran a grandi en France jusqu’à l’âge de 15 ans alors que sa famille était propriétaire de la galerie Nikolenko à Paris. Sous l’aile de son père, lui aussi galeriste, le jeune homme a travaillé à ses côtés dès son plus jeune âge, passant le plus clair de son adolescence à apprendre les rudiments du métier. C’est après ses études universitaires qu’Antoine s’est joint à temps plein à la deuxième galerie de la famille, la galerie Berensen, cette fois à Montréal, sur Sherbrooke. Antoine semblait prédestiné à ouvrir lui aussi sa propre galerie, même si l’idée de ce projet n’a pas toujours été présente chez le principal intéressé : « En fait je n’étais pas sûr de vouloir une galerie. En plus d’être consultant auprès de plusieurs clients privés, je travaillais de plus en plus avec des galeries de Montréal et j’en étais à un point dans ma carrière où soit je déménageais à l’extérieur, dans une grande ville avec un plus gros marché en art, soit je restais ici pour ouvrir une galerie » mentionne Ertaskiran.
Résultat? Le directeur aguerri ouvre la Galerie Antoine Ertaskiran à Griffintown en 2012, à l’intérieur d’un ancien atelier de soudure de titane, tout près de l’Arsenal et de la galerie Division :
« J’ai décidé d’ouvrir une galerie ici et j’en suis très content parce qu’il y a tellement d’artistes québécois et canadiens que j’ai découverts grâce à ça. Ça me permet aussi d’avoir une présence à l’international dans des foires d’art contemporain et d’y présenter les artistes d’ici. »
La galerie, qui ne se concentre pas seulement sur les artistes québécois et canadiens (dont Mathieu Beauséjour, Aude Moreau, Dominique pétrin et Les Ramsey pour ne nommer que ces derniers), représente aussi plusieurs artistes internationaux, pour un impressionnant total de 19 artistes. La sélection demeure sérieuse pour Ertaskiran qui avoue toutefois avoir une préférence pour les pratiques engagées : « Au début, c’est sûr que je sélectionnais beaucoup de coups de cœur, mais après un certain temps, on ne veut pas que les artistes se fassent compétition entre eux donc les pratiques aussi sont importantes. Il faut également que le travail soit de qualité, c’est souvent le critère numéro un : la qualité du travail, ensuite l’originalité, et finalement, le professionnalisme de l’artiste. » Le galeriste se dit d’ailleurs inspiré par les artistes qui n’ont pas peur de mettre la main à la pâte et d’avoir le cœur à nu : « Ce ne sont pas que les sujets et les thèmes des œuvres qui doivent être intéressants; j’aime les artistes qui travaillent beaucoup, avec intensité. J’aime les œuvres qui ont un deuxième et même un troisième degré. Ce n’est pas que ce qu’il y a sur les murs. »
Bien que la mission principale de la galerie demeurera toujours de faire rayonner les artistes au niveau international, Antoine essaie surtout de forger un changement dans la tête du collectionneur potentiel : « On souhaite changer la façon de collectionner. L’œuvre qui est seulement décorative, moi, ça ne m’intéresse pas. Ce qu’on essaie d’apprendre à nos clients c’est d’avoir une vision plus large sur l’art contemporain, sur le message de l’artiste. Si l’œuvre est belle, ça aide, mais quand il y a la combinaison des deux, c’est plus facile. Des fois, lors d’expositions éphémères, on ne vendra rien; on le fait pour inspirer les gens, les pousser à voir autre chose en galerie. Le but c’est d’éduquer les gens, d’ouvrir leurs horizons. »
Ouvrir les horizons autant pour les collectionneurs que pour le large bassin d’artistes que l’on retrouve ici, ce n’est pas une mince tâche, mais le galeriste est convaincu que le marché québécois se porte bien : « Nous avons de la chance; d’abord nous avons deux très bonnes universités, puis il y a l’aide municipale et gouvernementale, et nous avons aussi les galeries à but non lucratif qui sont absolument géniales et pas seulement à Montréal, mais à travers le Québec aussi. C’est une culture qui aide énormément les artistes qui peuvent alors proposer des projets intéressants. Ça leur permet de se développer et d’apprendre comment travailler dans un contexte de galerie de haut niveau, même si ce n’est pas de la vente. On dit toujours que Montréal est très créative, que ce soit en musique, en cirque, en théâtre, etc., mais c’est également le cas en art visuel. C’est moins présent, moins médiatisé, mais c’est autant le cas maintenant. »
L’homme derrière la galerie ne se commettra jamais à choisir son artiste chouchou, probablement parce que c’est un peu comme demander de choisir son enfant préféré. Il n’en demeure pas moins que la galerie en vaut le détour, surtout considérant que devenir collectionneur d’art est beaucoup plus abordable que l’on pense. Tant qu’à débourser pour du Ikea réimprimé, pourquoi ne pas encourager un artiste émergeant et doter son chez-soi d’une œuvre unique et originale?
Galerie Antoine Ertaskiran
1892, rue Payette
Griffintown, Montréal